(Suite des textes commencer et une poussière)
Il est là dans un coin de la pièce
Au sol
Un trou dans le sol
Un trou noir dans le sol blanc
Il fait peut être 30 cm de côté
Il est carré
Je pourrais y passer la tête
Je sais parfaitement ce qu’il y a dans ce trou
Je le sens
Je connais son contenu presque par cœur
Je le connais tellement bien que je ressens comme une vibration dans tout mon corps quand je m’en approche
Il me fait peur et me fascine en même temps
Ce trou c’est la mort
Et c’est le reste de ma vie
C’est aussi chaque seconde qui va arriver
C’est chaque décision que je vais prendre ou pas
Ce trou c’est aussi tout ce que je ne suis pas et ce que je n’ai pas ete
Ce trou c’est un million de vies que je ne vivrai pas
C’est un million d’endroits où je n’irai pas
C’est un million de corps que je n’ai pas caressé et que je ne caresserai jamais
C’est un million de chutes que je n’ai pas subies
Ce trou c’est un million de victoires que je n’ai pas remportées
Il y a dans ce trou chaque moment où je n’ai pas été moi même.
Mes mensonges
Ce trou noir comme un hublot sur l’espace. Un hublot sur la nuit. Un hublot sur la mort.
Le vide et le plein.
Il y a mes peurs, mes angoisses, tout ce que je refuse de voir.
Il y a aussi ce que je pourrais être … Puisqu’il y a tout ce que je n’ai pas été…
Ce trou est à la fois la poubelle de ma vie et une fenêtre sur ce que ma vie pourrait être.
Nos vies résonnent aussi par ce qu’elles ne sont pas.
Je ne suis pas un rappeur noir américain. Je ne suis pas couturier. Je ne suis pas sportif. Je ne suis pas carriériste. Je ne suis pas exclu, je ne suis pas « marginal », je ne suis pas célibataire, je ne suis pas handicapé. Ces millions de choses que je ne suis pas font de ma vie ce qu’elle est, font de moi ce que je suis.
Dans ce trou il y a l’énergie d’un million de vies en attente, tapies dans l’obscurité. Et puis il y a les morts. Il y a ma mère, des oncles, tantes, grands parents, arrière arrière arriere grands parents, ceux de mon sang, et les amis, fauchés dans un virage ou par une maladie… Il y a dans ce trou une armee immense de vies qui ont existé, et qui se sont arrêtées.
En bref il y a dans ce trou bien plus de choses et d’énergie qu’ici, dans ce cube blanc qu’est ma vie.
C’est tellement tentant d’y plonger.
Vit on mille autres vies lorsqu’on plonge ?
Revoit on ceux qui ne sont plus de ce côté du trou ?
( à l’instant « who wants to live forever » de queen dans mes oreilles… Highlander… L’immortel qui va vivre plusieurs vies à travers les siècles…)
Bon… Ne pas plonger dans ce trou ok… Mais juste y plonger la main et en remonter une pleine poignée d’énergie, concentré de millions de vies … Et s’en servir pour créer. Créer à partir de tout ce que je n’ai pas été, c’est à dire créer à partir de vies « rêvées », flamboyantes ou calamiteuses. Mais créer quoi ?
(À suivre)